Le prophète Mahomet a été très clair : « Dieu a maudit le vin, celui qui le boit, celui qui le sert, celui qui le vend, celui qui le presse, celui pour lequel il est pressé, celui qui le transporte, celui pour lequel il est transporté et celui qui jouit de l’argent qu’il en est tiré. » Mahomet a oublié – on ne saurait le soupçonner d’avoir trop bu – le pire de tous : celui qui le chante. Les poètes musulmans qui ont célébré le vin et l’ivresse sont pourtant nombreux…
C’est en Perse, pays de longue tradition œnologique, que l’amour du vin a, de tout temps, été le plus fort ou le moins dissimulé du monde musulman…
Si l’Islam condamne le vin, il glorifie l’eau, le lait et le miel. L’islam est une religion du petit déjeuner…
Prudents ou manquant d’informations, les évangélistes ne disent pas de quoi sera faite l’éternelle félicité chrétienne. Le Coran, lui, promet à gogo les plaisirs de la terre, notamment des houris belles à damner… …Outre que rien n’est envisagé pour les élues, pourquoi interdire totalement le vin sur terre à l’homme docile et pieux… …Qui peut dire que la consommation polygamique des femmes est moins dangereuse pour le salut de l’âme qu’une consommation modérée du vin ?
Le Coran promet des vins si abondants, si délicieux – on y évoque même « des vins rares » – que le paradis de Mahomet doit être couvert de vignobles.
Dans le cas où on me prouverait qu’Allah tient là-haut les promesses œnologiques de ses prophètes ici-bas, je veux bien tâter de la mosquée…
(Extrait du dictionnaire amoureux du vin, Bernard Pivot)
En ces temps mouvementés, où Islam et religions en générale sont montrés du doigt. Prenons le recul nécessaire.
Que celui qui n’a rien à se reprocher, me jette la pierre. Un feu de cheminée, un whisky de derrière les fagots, une maîtresse au soleil, un amant dans le placard, une bonne bouteille dans la cuisine, les conseils de votre boucher-charcutier, une flûte de Champagne pour la naissance du « p’tit » dernier, l’envie de trinquer avec son Beau-frère (qui est une fin connaisseur), le besoin de sourire à la boulangère…
Tous les petits et grands plaisirs de la vie ainsi que ceux de l’au delà, que je souhaite à mes aïeux.
D’une confession ou d’une autre, athées ou calotins, d’une seule voix, crions le ensemble : « laissons nous soumettre à la tentation ! ».
Bien que quelques-uns aient eu la possibilité auparavant de boire grec, c’est le vin que les Gaulois ont le plus apprécié de leurs envahisseurs romains. Ils se sont très vite fait une réputation de gros buveurs. Les guerriers en lampaient de grandes quantités pour se donner force et courage, et il n’était pas rare qu’ils combattissent ivres…
En préférant des vins francs, honnêtes, aux mélanges, nos ancêtres les Gaulois ont fait avancer le goût et l’exigence du goût. Rétrospectivement, qui sont les barbares ?
Le vin des Allobroges, issus de vignes éparpillées de vienne au Dauphiné et à la Savoie, conquit Rome. Les techniques de viticulture et de vinification progressèrent sans cesse. On produisit de plus en plus sur des surfaces de plus en plus vastes et septentrionales. Le tonneau et la cuve en bois triomphèrent des amphores. La Gaule était devenue un grand pays de vin.
Qu’arriva-t-il dans l’antiquité tardive (IIIe et IVe siècles après J.-C.) ? Il arriva ce que nous connaissons bien : la surproduction ! La crise ! En particulier dans le Narbonnais (aujourd’hui le Languedoc). Mévente. Effondrement des cours. Arrachage des vignes. Reconversion en terres à céréales. Recours à l’aide de la tutelle : des viticulteurs bourguignons demandèrent des allégements d’impôts pour arracher de vieilles vignes et en planter de nouvelles !
La subvention est une plante grimpante d’origine celte qui s’est très bien acclimatée sur tout le territoire français et qui a prospéré dans toute l’Europe.
(Extrait du dictionnaire amoureux du vin, Bernard Pivot)
Sur tout le territoire où je traîne mes caligae, je croise la présence des Gaulois. Et par extension des Romains. A part chez les Bretons, qui me pardonneront, mais ils se veulent aujourd’hui encore plus celtiques que les celtes de l’époque.
Certes, les Romains d’après les écrits coupaient leur vin avec de l’eau, cela semble logique au vue des orgies et ripailles auquel ils se livraient, il fallait tenir dans le temps. Le Gaulois, plus cultivé sans doute, s’aperçut que le bon vin se boit tel quel.
Le gaulois avait donc le palais fin, la culture du sacrifice humain, et du glaive alerte. En revanche il était sans aucun doute bougon et têtu, sinon César (le Jules) n’aurait jamais vaincu en profitant de la discorde et de l’indiscipline de ces derniers. Pauvre Vercingétorix qui se voyant perdu, levant son hanap, chanta en voyant ses Arvernes se faire massacrer à coup de pilum : « Buvons un coup, Taranis, la rirette, buvons un coup nous pisserons dru ». La suite, l’histoire (la vrai) se raconte dans tous les manuels scolaire, la mienne est beaucoup plus drôle, avouez le ! Quant aux Gaulois….. Ils sont dans la plaine.
Les sommeliers sont des échansons républicains. Moins responsables de l’étiquette que soucieux des étiquettes, les vraies, les indispensables, collées sur les bouteilles, plus, pour certaines, des collerettes et des contre-étiquettes remplies soit de renseignements sur le vin et sur le domaine, soit d’un bla-bla où le négociant, trop souvent, chante les louanges de sa piquette. Des papiers d’identité, en somme. Des cartes de visite réglementées. Où il est obligatoire de fournir des informations sur le vin, son appellation, son taux d’alcool, le nom et l’adresse du producteurs, etc. Sur une bouteille pleine, une étiquette est prometteuse comme un visa ; sur une bouteille vide, pathétique comme une inscription commémorative…
Un vin peut-il cacher sa médiocrité derrière une splendide étiquette ?
Oui, comme nous savons dissimuler la noirceur de notre âme derrière des vêtements chic. Ces impostures, il me semble, sont plus rares chez les bouteilles que chez les hommes…
(Extrait du dictionnaire amoureux du vin, Bernard Pivot)
Pour exemple, le décor est froid puisqu’il est planté dans les allés criardes d’un hypermarché. Le climat est bruyant et sans âme. Une femme, plutôt jolie, pousse laborieusement un de ces chariots nommé « caddie » d’où dépasse des denrées cellophanées, insipides et totalement dénuées de bon sens.
Soudainement, de son air le plus enjoué elle tend le bras vers une bouteille d’une belle étiquette mordorée, marquée « Bourgogne ». Fière et certaine d’avoir dégoté la perle rare qui fera plaisir à son compagnon, pour un repas d’amoureux qui laisse augurer une suite des plus sensuelle (je reste révérencieux).
Tout est requis, de la nappe immaculée, au chandelier. La lumière se veut tamisée et la galante c’est engoncée dans une robe qui ferai pâlir Maryline. Vint le moment tant attendu ou l’amant Trempe ses lèvres dans le soit disant nectar découvert quelques heures plus tôt.
Et lui de s’esclaffer : « dis donc Jeannine tu l’as eu où ton pinard ? ». Un rustre me direz-vous, sans doute, car même si Jeannine est le prénom de sa promise, il aurait du l’appeler « chérie ». Quant au terme « pinard » qui désigne un mauvais vin, cela n’a rien de péjoratif en raison du contenu de son verre. Le vin en question, sélectionné sur un coup de tête ou plutôt d’étiquette, était sans aucun doute une piquette mémorable, car même en Bourgogne il est aussi de mauvais producteurs qui font par extension du mauvais vin.
Alors, me direz vous, comment s’assurer que le vin est bon ? Allez tout simplement chez votre Artisan-Caviste préféré et faite lui confiance. Achetez un vin et non pas une étiquette. Ne faites jamais confiance à l’étiquette car même si elle est belle, elle peut cacher le pire, je parle bien sur de l’étiquette, pas de Jeannine.
Et puis les vins sont comme les hommes ne jamais se fier à l’étiquette !!!
Note : Que les « Jeannine » de la terre entière me pardonnent, j’en connais des charmantes, des cultivés, des adorables.
La dégustation, c’est comme le football : tout le monde peut y jouer.
Les Français n’en ont pas le monopole, ni les professionnels du vin, ni les clubs d’amateurs réunis pour des grands-messes de dégustation verticale… ou horizontale… ou vertico-horizontale. Du « Goûtez-moi cette petite côte, vous m’en direz des nouvelles »… la dégustation se prête à des variantes infinies. Sauf qu’il s’agit chaque fois de goûter un vin pour le juger…
« Sur la langue, le vin parle », écrivait le Bourguignon Pierre Poupon. Il lui arrive même, parfois, d’être très bavard. Il énumère ses arômes comme un général de Napoléon ses batailles. De ses bouquets, il fait de la poésie ; de ses velours, taffetas et satins, des robes ; de son âge, une geste ou une philosophie… Même après avoir été bus, ils continuent de jacasser. Ou de souffler au dégustateur une trouvaille comme celle-ci : « j’en connais de meilleurs qui ne valent pas celui-là ! »…
Déguster, c’est deux fois jouir. Jouir d’avoir à sa disposition les moyens d’explorer un vin ; jouir des vertus de ce vin. Rarement solitaire chez les amateurs, la dégustation est un plaisir partagé. Toute la science, tous les travaux, tous les soins, toutes les fatiguent, préparent et annoncent l’heure de la dégustation, sommet épiphanique de la rencontre de l’homme et du vin.
Allez donc savoir pourquoi il y a tout de suite moins de plaisir lorsque la dégustation s’appelle examen organoleptique !
(Extrait du dictionnaire amoureux du vin, Bernard Pivot)
Quand je déguste et non pas quand je trinque donc que j’endure, je suis toujours seul. Non pas au sens premier, il peut y avoir du monde dans la même pièce mais je suis seul. L’action de déguster se situe au fond de nous. Tellement de jardins secrets, de mémoires, d’expériences vont remonter à la surface à l’approche de l’ôte viticole à déguster.
Subjectif, me direz vous, sans aucun doute. Notre mémoire au fil des ans enregistre et enregistre encore, bien que, plus nous vieillissons, plus notre mémoire fait défaut. Mais, malgré tout, elle place dans des tiroirs les sensations, les parfums, les goûts et tant d’autres choses. Quand nous dégustons, ces tiroirs s’ouvrent et leur contenu nous ramène à « nous ». Je tourne en rond, c’est peut-être de la philosophie, en tous les cas c’est de l’humain.
Pourquoi aimons nous ou n’aimons nous pas ? Tout est dans nos tiroirs…. Les tiroirs de notre mémoire….. Qui s’ouvriront à la Dégustation.
Champagne.
Pour apprécier le mieux possible… …Il faut être à jeun ou avoir pour le moins le palais dégagé, tapissé de neuf. C’est pourquoi, délaissé au dessert, il s’est imposé à l’apéritif… …Vin magique, boisson bénéfique, porte-bonheur, le champagne accompagne les étapes importantes et les principaux événements de la vie… …Tu as réussi ton bac ? Champagne ! Tu as enfin ton permis de conduire ? Champagne ! Tu as vingt ans ? Champagne ! Vous allez baiser ? Champagne ! Vous baisez ? Champagne ! Vous avez baisé ? Champagne ! (enfin, pas toujours). Tu as décroché un CDI ? Champagne ! Tu as ta nouvelle voiture ? Champagne ! Vous êtes enceinte ? Champagne ! (enfin, pas toujours). L’enfant est né ? Champagne ! Fierté et bonheur…
Arrivant inopinément chez des amis ou des relations de travail, je préfère me voir offrir de l’eau, un jus de fruits, ou même un Coca-Cola, c’est dire ! Plutôt qu’un malheureux champagne qui pèle de froid depuis des lustres, debout dans la porte du réfrigérateur. De même, les donneurs de cocktails ou les organisateurs de buffets, qui cèdent à la mode du champagne obligatoire et qui n’ont pas les moyens… …Devraient limiter leur offre à des jus de fruits, à des boissons gazeuses et à des alcools plus modestes…
La marquise de Pompadour avait raison d’affirmer que le champagne « est le seul vin qui laisse une femme belle après boire » .
En effet, un excès raisonnable de bulles lui donne une légèreté, une aimable liberté, quelque chose de vif, parfois d’effronté dans le regard… … « De la beauté des femmes avant, pendant et après le champagne » me paraît être un sujet à débattre flûtes en main…
(Extrait du dictionnaire amoureux du vin, Bernard Pivot)
Quand on me propose vulgairement : « tu veux des bulles », je préfère m’abstenir de répondre plutôt que d’être incorrect.
Je reste persuadé qu’il se cache derrière le mot « Champagne » un côté festif certes mais aussi pompeux, et qu’à défaut de boire du bon Champagne, nombreux sont ceux qui proposent une étiquette. Ils ne sont pas si abondants, les grands, les beaux, les bons, les fins, les délicats, les vrais.
Ah !!! Le Champagne à défaut d’être toujours le meilleur, de plaire ou de déplaire, il fait pétiller les langues car il a ce côté sacré, un rien énigmatique.
Toutes ces bulles enfermées par on ne sait trop quel procédé… J’entends tellement de choses à son sujet… j’y vois parfois dans sa bouteille… N’en déplaise aux Champenois que je respecte…
Beaucoup de…
Disons de…
Enfin, vous m’avez compris…
D’effervescence !!!
Autrefois, les grands restaurants distinguaient bien le métier de caviste de celui de sommelier. C’est de ce caviste que quelques croquis sont proposés ci-après.
Le caviste est le spéléologue du vin…
…Le caviste sait bien qu’il finira comme ses bouteilles : sous terre, étiqueté, nommé, millésimé. Mais, sauf improbable résurrection, lui ne remontera pas…
…A ma connaissance, même dans les caves du Vatican, aucun caviste ne s’est jamais indigné que, comme au final du french cancan, toutes les bouteilles lui montrent leur cul.
Certains cavistes sentent le bouchon.
…Ce que les sommeliers disent aux clients, les cavistes le murmurent aux bouteilles…
…Dans les grands restaurants, les cavistes étaient très malheureux de devoir laisser ouvrir par les sommeliers les bouteilles sur lesquelles ils avaient veillé pendant de nombreuses années. On dit que c’est par économie que les cavistes font maintenant office de sommeliers, ou les sommeliers de cavistes, alors que c’est, à l’évidence, par bonté…
(Extrait du dictionnaire amoureux du vin, Bernard Pivot)
Caviste… Je pourrai écrire pendant des heures, c’est ma passion. Car ce n’est pas un métier. Ceux qui pensent qu’il s’agit d’enfiler un tablier, de tenir une bouteille dans une main et un tire-bouchon dans l’autre pour exercer, se trompent.
Un Caviste connaît ses producteurs, il les visites, les observe, les écoute et peut ainsi faire son choix.
Un Caviste connaît ses vins, pour les avoir goûtés, regoûtés, sélectionnés et pour avoir vu et senti les vignes d’où ils proviennent.
Un Caviste propose des vins à maturité et de grande qualité, non pas des millésimes et des jus dont les bouchons eux même auraient honte.
Un Caviste connaît les terroirs, la géographie, la géologie, la typologie, le climat d’où proviennent ses vins.
Un Caviste respecte la qualité et le travail du vin en rapport avec son prix, il ne fait pas de tarifs tellement bas et de promotions que l’on est en droit de se demander ce que contiennent les bouteilles.
Un Caviste n’aime pas les lumières vives et le bruit.
Un Caviste c’est un curieux, toujours en quête de la perle qui alimentera son « Graal ».
Un Caviste c’est un virtuose du vin et c’est aussi :
Caviste c’est un Artisan,
Caviste c’est du respect,
Caviste c’est devenir mordu,
Caviste c’est être captivé,
Caviste c’est un ardent,
Caviste c’est échanger,
Caviste c’est transmettre,
Caviste c’est sûrement un peu fou,
Caviste c’est être amoureux.
Entrer dans une cave que l’amour du vin a tapissé de bouteilles, c’est pénétrer dans un monde de silence, de l’obscurité, de l’impassibilité.
Nous voici au royaume des allongées, des pétrifiées, et, pour peu que nous ayons récemment honoré nos morts, il nous semble qu’en passant du caveau à la cave nous continuons d’explorer les excavations du Grand Secret…
La mémoire de la cave a toujours été sous-estimée par rapport à celle, tant exploitée dans les romans, du grenier.
La grande supériorité de la cave sur le grenier, c’est qu’en plus du passé qu’ils détiennent l’une et l’autre, la cave a de l’avenir…
Quoique protégé de la neige et du brouillard, le peuple de la cave n’est jamais surpris par Noël et le jour de l’an. Deux ou trois degrés en plus, et c’est l’été ; deux ou trois degrés en moins, et c’est l’hiver. Né du rythme des saisons, le vin en a gardé le souvenir. Ayant des repères chronologiques, il se prépare, chaque fin d’année, à fêter l’avènement du même petit jésus que l’hiver précédent, et du nouveau millésime…
Entendons-nous bien : plus votre cave se rapprochera de la cave idéale, mieux vos vins se porteront. Mais, si votre cave n’est pas parfaite, ce n’est pas un malheur… Les vins sont plus costauds que l’on ne croit. Ils ne résisteront évidemment pas, à la longue, au voisinage d’un radiateur de chauffage central, aux effluves de la cuve à mazout, de fromages fermentés et de légumes pourris, ou encore aux trépidations du métro. Mais, hors ces agressions caractérisées, le vin s’accommode plutôt bien de conditions de vie qui exigent de lui de la santé et du caractère…
(Extrait du dictionnaire amoureux du vin, Bernard Pivot)
1976, cette année sonne comme une des plus chaudes de notre mémoire, on en parle en ces termes : « c’est l’année de la sécheresse ». Celle qui a fait transpirer les thermomètres.
Pour ma part, c’est l’année ou j’allais passer dix minutes à la cave pour me rafraîchir. Surprise ! non, confidence envers mes lecteurs.
J’avais, à cette époque, une dizaine d’années. Je passais une partie de mes grandes vacances au célèbre village de Chablis chez mes grand-parents maternelle.
Ces derniers disposaient comme dans toute maison bourguignonne qui se respecte, d’une cave voûtée avec un sol en terre-battue qui aurait fait pâlir d’envie un vigneron. Une température quasi constante ou mon « Papy » faisait vieillir des vins de sa sélection. Beaucoup de Bourgogne, vous le comprendrez aisément mais on ne se refait pas !
Entre nous, j’avais plaisir à y descendre, ce lieu ou je me rafraîchissais de l’été caniculaire Bourguignon, j’observais ces pierres hors d’âge, avec ce rien d’inquiétant, ces bouteilles caressées par les toiles d’araignées ou la poussière avait laissé l’empreinte du temps.
Cette cave c’était mon lieu sacré, tout simplement je m’y sentais bien, aujourd’hui devenue la photo jaunie des souvenirs… Une pointe de nostalgie ? Peut-être, sans aucun doute.
« Nous sommes sur une gamme florale assez étendue et complexe où nous distinguons bien le tilleul, le jasmin, la capucine, l’angélique, l’acacia. Avec des touches de pivoine séchée, et, peut-être même, de fleur de thuya. Quant aux arômes secondaires et tertiaires, qu’il faut savoir mériter […] ils sont, cependant, d’ores et déjà présents, avec des notes assez franches. De litchi, de mangue, de figue, de pamplemousse, à quoi nous ajouterons la pomme caramélisée et la compote de pruneaux ». Ce n’est plus un vin, c’est la boutique de Fauchon !
Certains œnologues et sommeliers charrient. Le dégustateur moyen qui renifle son vin avec désespoir. Se sent honteux.
Au delà des surenchères des spécialistes et des excès de langage, il est exact que les bons vins. Exhalent une extraordinaire variété d’arômes…
J’aimerais bien, puisque le vin se révèle être aussi un sac à malice ou à poésie, humer un jour dans un verre l’arôme si particulier et si recherché de la peau du cou d’une jeune femme amoureuse, dans le parc de Bagatelle, un soir de mai, au soleil couchant, après une matinée de pluie.
« Le pédantisme des grands connaisseurs de crus m’impatiente » (L’empereur Hadrien dans Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar).
(Extrait du dictionnaire amoureux du vin, Bernard Pivot)
Quant à moi, les anecdotes foisonnent de ces personnages suffisants qui trouvent du muguet ou du potiron vert dans les vins. Comme si le vin était une liste du marché.
Une anecdote m’a pourtant marqué : Le décor se plante dans un chais de la vallée du Rhône, j’avais rendez-vous avec le maître des lieux pour goûter ses vins.
Le jour même de ma venue, un car de touristes (non-prévu au programme) se joint à notre dégustation. Le vigneron humant son verre, se targue devant l’assistance (un public d’une cinquantaine de personnes) de trouver des arômes de mûres.
J’avais beau renifler à exploser mes cloisons, pour moi les notes de mûre étaient inexistantes. Et ce vigneron me regardant l’air hautain et dédaigneux : « Comment !!! Vous ne trouvez pas la mûre !!! ».
J’ai pris congé, en me promettant de ne jamais y remettre les pieds (et le nez), pourtant, dieu sait combien j’aime les chais, les caves et autres endroits bachiques.
Revenons sur la mûre en question. Avez-vous déjà senti une mûre ? Même si elle évoque le grignotage de notre enfance au bord des haies, personnellement je trouve qu’elle ne sent pratiquement rien, par-contre avec du sucre et en confiture… C’est pas mal.
Vous l’aurez compris, j’aime quand un vin à des arômes de vin, suivant les mémoires d’enfance subjectives, avec des notes de jardin de curé et de craie d’instituteur… Surtout d’humilité…
Les vignerons sont des auteurs, des artisans, des artistes. Les meilleurs signent leurs œuvres. Les vins français sont d’une diversité stupéfiante. Les plus riches du monde par la palette de leurs couleurs et la carte de leurs saveurs…
J’en fréquente certains plus souvent que d’autres. Question de naissance, de résidence, de voyages, de vacances, d’amitiés, d’affinités, d’opportunités. Mais aucun ne m’indiffère…
Peut-être s’étonnera-t-on que j’évoque souvent avec légèreté et amusement un sujet dont je viens de rappeler qu’il humecte notre bouche et notre âme ? C’est ma manière de le prendre au sérieux…
Il existe une expression qui traduit bien le rôle social du vin dans notre pays : Vin d’honneur.
Demande-t-on de l’honneur à l’eau, au whisky, au pastis, à la kronenbourg, au bloody mary ?…
(Extrait du dictionnaire amoureux du vin, Bernard Pivot)
Effectivement, le dit « Vin d’honneur » nous rassemble toujours. Souvent pour des instants de joie ou de convivialité. Et il est vrai que jamais je n’ai été convié à une bière d’honneur ou un pastis d’honneur. Ce qui me tend à penser que si un vin est parfois « bourru » il n’en est pas moins sociable.
« Le vin ce n’est pas de la petite bière. »
Ce propos je l’ai recueilli dans « le dictionnaire amoureux du vin » écrit par un Académiste Goncourt-ois (je prends des libertés de langue que même Bernard Pivot me pardonneras) car il s’agit bien de lui.
Journaliste de presse, de radio et de télévision, notre illustre personnage (car à mon sens il fait parti de ces « gueules » de notre culture) a concocté pendant 28 années des émissions littéraires (j’étais un inconditionnel d’Apostrophes).
Enfant de la région Beaujolaise, Monsieur Pivot nous lègue (entre autre) ce dictionnaire amoureux du vin dont je m’inspire et que je vous ferai partager au fil des pages. Mêlant mes impressions avec celle de cet auteur de renom avec mon expérience propre, que j’acquière à chacun de mes voyages-dégustations à travers la France.
…Le vin, c’est de la culture. La culture de la vigne, mais aussi de la culture pour l’esprit… …Dans un temps où le vin n’est pas mieux considéré qu’un alcool de maïs ou de pomme de terre. Rien ne surpasse le pain et le vin dans la mémoire mythique et nourricière de l’homme…
…Comment citer tous les écrivains, d’Homère à Colette, qui ont célébré le vin… …Pour le meilleur et pour le pire, depuis la nuit des temps et jusqu’à la fin du monde, le vin est indissociable de l’aventure de l’homme, de la civilisation, de l’art, du grand mystère du pourquoi et du comment.
Bref, le vin, ce n’est pas de la petite bière.
(Extrait du dictionnaire amoureux du vin, Bernard Pivot)